Session 120 : du Belge, des effets spéciaux et pas mal d’animation

Avec 120 sessions de financement à son compteur, Wallimage Coproductions fait aujourd’hui figure de vétéran dans le petit monde des fonds économiques européens spécialisés dans l’audiovisuel. Chaque étape est pourtant toujours unique et pleine de surprises.

  • 15.07.2024

Réuni ce lundi 1er juillet pour choisir les films ou séries qui seront cofinancés par la Wallonie, le Conseil décentralisé des coproductions (CDC) a encore eu fort à faire tant le nombre d’excellents projets de natures très différentes était important.

Il ne s’agit plus de retenir les très bons dossiers qui boosteront l’économie wallonne, mais de sélectionner, parmi eux, les tout meilleurs qui entrent dans l’enveloppe disponible. Pas étonnant donc que le taux d’acceptation chute drastiquement. Mais c’est la rançon du succès.

Sur les vingt-deux dossiers reçus, vingt répondaient aux critères de base du fonds et ont été analysés par notre équipe. Onze d’entre eux rejoignent le line-up de Wallimage. L’investissement global de 1 437 500 euros générera ainsi 10 597 836 euros de dépenses en région, soit un ratio de réinvestissement de 737,24 %. De quoi créer pas mal d’emplois mais également faire rentrer de l’argent dans les caisses publiques par le biais des impôts.

Avec quatre œuvres majoritaires retenues, cette session anniversaire est certainement atypique, mais elle a aussi été marquée par de très bons projets d’animation et quelques projets étrangers faisant largement appel à nos sociétés spécialistes des effets spéciaux.

Courant majoritaire

Nous n’avons pas souvent la chance de recevoir des projets de l’excellente société bruxelloise Helicotronc qui a acquis au fil des ans une solide réputation tant au niveau des longs métrages (Une vie démente, Dalva, Le syndrome des amours passées…) que des séries (La trêve, Des gens bien). Deux axes qu’ils ont réussi à imposer à cette session.

Ethernel, dont le pilote nous a épatés, comportera six épisodes conjointement réalisés par Olivier Tollet et Nicolas Boucart. Le thème est intrigant puisque, grâce à une technologie permettant de communiquer avec les morts, un policier tente de résoudre le meurtre de sa femme tout en se retrouvant plongé au cœur d’un opaque complot international. 20 jours sur les 45 que comptera le tournage sont localisés en Wallonie avec 19 techniciens régionaux sur le plateau qui seront nourris par une cantine wallonne. La location de tout le matériel sera effectuée chez Eye Lite tandis que le bruitage et le mixage son se fera chez Bardaf et les VFX chez Benuts.

La danse des renards, aussi proposé par Helicotronc est un long métrage : un jeune boxeur talentueux va s’y retrouver confronté à des douleurs physiques et psychologiques qui mettent à l’épreuve son amitié et sa carrière sportive. Ce personnage central sera interprété par le très prometteur Sam Kircher, formidable dans L’été dernier aux côtés de Léa Drucker. Tous les autres jeunes acteurs sont des débutants. La danse des renards est le premier long métrage de Valery Carnoy qui vient de connaître un énorme succès mondial avec son court, Titan, sélectionné plus de 100 fois en festivals (dont 8 fois en catégorie A) et qui a récolté 31 prix. 11 jours de tournage sur 32 seront localisés à Godinne avec 14 techniciens sur le plateau qui travailleront avec du matériel loué chez TSF Liège. Le mixage son s’effectuera chez Bardaf.

Dans un tout autre registre, Sequel Prod, nous a amené un unitaire télé, Meurtres à Tournai dans lequel deux inspecteurs, dont un Parisien excentrique, enquêtent sur le meurtre d’une batelière à Tournai. Il s’agit du premier « épisode » de la collection « Meurtres à… », écrit, tourné et réalisé en Belgique. Ces téléfilms sont très populaires en France où ils réunissent toujours plus de 4 millions de téléspectateurs devant France 3. 15 jours de tournage (sur 20) sont tout naturellement localisés en Belgique avec 11 techniciens sur le plateau et du matériel loué chez Eye Lite. Le bruitage et le mastering seront effectués chez Cob et Bardaf, les quelques VFX chez Limonade à Namur. Avouez qu’il eût été dommage pour le fonds wallon de passer à côté d’une histoire aussi wallonne…

Le dernier projet majoritaire retenu lors de cette session est très différent. En six épisodes de 13 minutes, Ban !évoque avec justesse et pudeur le harcèlement sous toutes ses formes. Axée sur des histoires inspirantes et réalistes, cette mini-série s’adresse essentiellement aux enfants âgés de 8 à 11 ans et sera diffusée en primeur sur la RTBF. Ce projet d’intérêt public est produit par 20 pictures to midnight avec qui nous avons travaillé une première fois sur le projet d’animation Hamster. Basée à Enghien, cette société envisage de s’implanter bientôt en région montoise avec ses studios (L2Dev/20STM) où elle peut gérer le montage image et son, le mixage, les VFX, le mastering et l’étalonnage. Si le budget global est moins important que ceux des autres dossiers, les dépenses wallonnes y sont conséquentes avec une autrice et un casting 100% régionaux, 13 techniciens wallons sur tournage, de la location caméra chez TSF, son chez Adhoc, et, donc, l’entièreté de la postproduction.

Abondance de VFX

Grâce au travail de Wallimage qui a réussi au fil de ses 23 ans d’existence à territorialiser d’importantes dépenses audiovisuelles de grosses productions étrangères, de nombreux studios spécialisés dans l’animation ou les effets spéciaux numériques ont été créés ici et travaillent sans relâche sur des projets de plus en plus excitants.

La preuve avec We come in peace, ambitieuse série nordique de SF en six épisodes, coproduite en Belgique par Beside. Plus de deux millions d’euros seront dépensés chez Benuts qui réalisera tous les effets spéciaux de ce potentiel blockbuster des petits écrans. Pour ce faire, la société de La Hulpe emploiera 28 artistes wallons ou sous CDI, ainsi que 7 techniciens. L’expérience générera 3 000 jours de travail cumulés sur plus ou moins 9 mois, soit 14 équivalents temps plein sur un an. Impressionnant, non ? Cerise sur le gâteau, le bruitage, le montage, le mixage son, l’étalonnage et le mastering se feront également en Wallonie.

Dans un registre proche, Potemkino nous a proposé Woodwalkers 2, deuxième volet des aventures d’un jeune puma-garou et de ses amis qui protègent leur école et la forêt environnante des menaces d’un politicien malveillant et de promoteurs immobiliers. Ce projet allemand évoque Twilight, Harry Potter ou Heirs of The Night (visible sur Prime et déjà cofinancé par Wallimage). Adapté d’une série de romans à succès pour la jeunesse, Woodwalkers se développera sur trois longs métrages. Le premier volet nous avait échappé de justesse, mais comme certains fonds allemands ne soutiennent pas les suites, Potemkino a pu (re)venir s’immiscer dans la coproduction pour la suite des opérations. Une belle opportunité pour le studio The Pack établi à Mons (dont Wallimage Entreprises est actionnaire) de travailler sur un projet important pendant une longue période et d’ainsi constituer une équipe puisque 930 000 euros sur les quatre millions prévus pour les VFX seront dépensés dans la cité du Dragon générant un total de 1300 jours de travail.

Coproductions minoritaires

Umedia a récemment collaboré avec Same player pour le film Sous la seine sorti sur Netflix le 5 juin, un thriller à base de requin d’eau douce qui a fait son petit effet au niveau international. Les sociétés belges et françaises récidivent ici de concert avec Ferris Wheel qui sera entièrement tourné en Wallonie (33 jours en région liégeoise). Le changement de registre est total pour ce premier long métrage de Julien Hosmalin, réalisateur de clips, scénariste et monteur, aussi auteur de trois courts et moyens métrages qui nous plonge dans l’ambiance des fêtes foraines pour une histoire de vengeance très sombre. Au niveau des dépenses, le projet réunit 22 techniciens, du casting (rôles secondaires et figuration), de la location chez EyeLite et toute la post-production au Studio l’Equipe Wallonie. Seul, le bruitage sera effectué chez Dame Blanche. À ces dépenses dûment identifiées s’apparentant aux dépenses audiovisuelles éligibles, s’ajoute évidemment un gros impact économique non audiovisuel, car toute l’équipe sera logée en Région wallonne.

Après L’Abesse, Saga nous ramène en Espagne, et plus particulièrement à Barcelone où Carol Rodríguez Colás s’apprête à nous plonger dans un drame adolescent sur fond de lutte des classes. Un excellent scénario destiné aux festivals et au circuit arthouse. Si tout le tournage de La Gang est localisé en Catalogne, neuf techniciens y participeront tandis que les VFX seront réalisés chez Benuts et qu’un des compositeurs de la B.O., Simon Fransquet, sera wallon. Un petit projet et de petites dépenses wallonnes, mais un dossier équilibré qui sollicite une intervention mineure et permet à Saga de renforcer ses contacts avec la péninsule ibérique. Pour le second passage du projet, Saga a réussi à augmenter les dépenses wallonnes de près de 10 % alors que la demande d’investissement est restée inchangée : une bonne façon de faire la différence pour un dossier qui avait raté la qualification d’un fifrelin en avril.

Animation

Avec Dudley et l’invasion des limaces de l’espace, Freaks Factory nous a amené un long métrage d’animation à fort potentiel commercial qui sera réalisé en Belgique, mais aussi au Luxembourg et en Inde. La fabrication se partagera entre le studio Picture Factory à Liège et The Pack à Mons. Au menu de la partie belge du travail, le layout, une partie de l’animation (partagé avec Broadvision), les FX Anim/SIM, puis le Lighting & compositing (partagé avec le studio luxembourgeois) et l’enregistrement des voix. Soit 22 personnes sur le pont pour environ 3 000 jours/homme en Wallonie soit un équivalent temps plein de 14 personnes sur un an.

Inspecteur Croquettes, signé par Antoine Robert et Benoit Delépine sera le premier film d’animation du trublion de Groland, qui a déjà tourné onze longs métrages live avec son pote Gustave Kervern, rassemblant au fil des années un public conséquent et fidèle. Comme quoi on peut être déjanté et travailleur, atypique et populaire. Il conte ici les aventures de Mystic, chat de race qui ne cesse de grossir au désespoir de son maître qui le nourrit pourtant exclusivement de pâtée bio ultra-light. Son compagnon de maisonnée, le bon chien Dagobert est prié de découvrir pourquoi il devient obèse. Grâce à Belvision, porteur du dossier, Dreamwall sera en charge de la conception des décors, des 72 minutes d’animation 2D du film et des VFX. Cette production occupera en Wallonie 21 techniciens, soit 13,1 équivalents temps plein sur un an dont 5 postes-cadres, soit 2,891 jours/hommes sur 17 mois. Une avalanche de chiffres qui démontre l’impact de ce dossier qui sans la conjonction de Wallimage et du Tax Shelter ne serait jamais arrivé en Belgique.

I’m still alive que nous présente Gapbusters est beaucoup plus grave. Il s’attarde sur le calvaire qu’est devenue la vie de Roberto Saviano, journaliste d’investigation, écrivain et scénariste, depuis qu’il a décrit et dénoncé les milieux mafieux dans ses écrits et articles, en particulier dans son livre Gomorra (2006), qui met à nu le milieu de la Camorra. Il est aujourd’hui ciblé par le nouveau pouvoir italien qui a porté plainte contre lui pour des déclarations hostiles. Ce film d’animation est son premier film en tant que réalisateur. Le storyboarding et l’animation 2D seront effectués chez Waooh pour un investissement de plus d’un demi-million d’euro.

La suite

Les producteurs belges n’ayant pu identifier des projets susceptibles de participer à notre ambitieuse Session Master prévue en septembre, le Conseil décentralisé des coproductions de Wallimage a décidé de l’annuler et de la remplacer par une session tout ce qu’il y a de plus classique. Elle débutera le 5 septembre et des discussions préalables seront possibles à partir du mardi 27 août.